Pour la fête des amoureux, osez la lingerie “à base de bois”, une origine que revendiquent de plus en plus de créateurs textiles, depuis la découverte de nouvelles fibres “écologiques” issues du bois.
Le lyocell : des textiles de bois 100% nature
Discrètement présent depuis 1884 dans l’univers textile, le bois s’affiche désormais, grâce aux nouveaux traitements écologiques de la cellulose. Attirés par le label “nature” et les nouvelles qualités de cette fibre, les fabricants sont séduits.
Il y a belle lurette que le bois, grâce aux vertus de sa cellulose, occupe une place de choix dans l’univers textile. Après la présentation à l’Exposition Universelle de 1889 du procédé du Comte Hilaire de Chardonnet, les textiles artificiels dérivés de la cellulose, rayonne, viscose et acétate ont connu leur âge d’or durant la première moitié du XXe siècle.
Produites à partir de pulpe du bois, matière première peu coûteuse et abondante, ces fibres sont obtenues par des procédés chimiques pour l’amélioration desquels les industriels rivalisent d’ingéniosité.
Ainsi la dissolution de la cellulose dans la soude caustique puis l’adjonction de sulfure de carbone (CS2) permet d’obtenir le xanthate de cellulose, la pâte visqueuse à l’origine du nom ” viscose “. Filée à travers une plaque perforée, elle coagule en milieu humide dans un bain contenant de l’acide sulfurique, des sulfates de sodium et de zinc.
L’acétate, quant à lui, est fabriqué par dissolution de cellulose de coton ou de pulpe de bois dans l’acide acétique. Sous l’action de l’acide sulfurique et du chlorure de zinc, on obtient une masse visqueuse, le triacétate de cellulose qui est ensuite traité à l’eau pour obtenir en précipité l’acétate de cellulose. Après séchage et dissolution dans l’acétone, ce dernier forme la solution de filage.
Appréciés pour leur douceur et leur caractère absorbant, ces succédanés de la soie, ont connu une brillante carrière dans l’habillement, notamment la lingerie et l’ameublement.
L’avènement des fibres synthétiques issues de la pétrochimie, après la Seconde Guerre Mondiale marque un premier coup d’arrêt à cet essor. La montée des préoccupations écologiques, dans les années 80 signera le coup de grâce, annonçant un recul de leur utilisation.
De 18% en 1960, la part de marché des textiles artificiels, comparable alors à celle des synthétique, est tombée à 7% in 1993. ” Dès lors les industriels délocalisent ou passent le relais à des fabricants étrangers, en Asie notamment ” explique Michel Bourgeois, de l’Institut Français du Textile et de l’Habillement.”
Perte de compétitivité et environnement forment parfois un coktail social explosif comme à Givet, en 2000, où les salariés licenciés de Cellatex, dernière usine de rayonne française, menacent de faire exploser les 46 tonnes de sulfure de carbone après avoir déversé de l’acide sulfurique dans le ruisseau.
Depuis une quinzaine d’année, deux firmes pourtant ont refusé de jeter l’éponge. L’un des acteurs historiques de la filière, Courtauds Fibers, filiale du chimiste Acordis est à l’origine d’une nouvelle génération de fibres cellulosiques. L’industriel autrichien Lenzing lui emboîte le pas.
” Le procédé solvant non-polluant NMMO utilisé dans la fabrication du Lyocell a permis à l’industrie européenne de reprendre la main “, diagnostique Michel Bourgeois. ” L’argument écologique lui donne un avantage concurrentiel que la réglementation des échanges pourrait encore renforcer “. Bien qu’artificiels, ces textiles cellulosiques ont encore la fibre naturelle.
Et si le bois sort de l’ombre et s’affiche sans pudeur dans les dessous féminins, masculins, mais aussi de plus en plus de vêtements sportswear ou outdoor, c’est grâce à cette nouvelle fibre ” révolutionnaire ” dont Tencel® est le nom commercial d’Acordis, et Lenzing Lyocell est celui de Lenzing.
Le pari du “naturel”
Les entreprises de fibre misent sur le besoin de naturalité des consommateurs et le souci de préserver l’environnement. La société autrichienne Lenzing en a fait le fer de lance de sa politique commerciale. Le respect de l’environnement est devenu sa priorité : les arbres dont on extrait la cellulose sont essentiellement issus de forêts autrichiennes et l’impact sur l’environnement du processus de traitement quasi nul. Lenzing s’est d’ailleurs vu attribuer l’éco-label européen à la fin de l’année 2002.
Le pari lancé il y 5 ans avec le lancement du lyocell dans un univers dominé à 80 % par les fibres synthétiques semble près d’être gagné. La nouvelle fibre séduit de plus en plus de fabricants et trouve de nouvelles applications.
En 2003, Lenzing entend d’aileurs doubler sa production en ouvrant une nouvelle ligne de production à Heilgenkreus prévue pour atteindre 40 000 tonnes par an à la fin 2003. Face aux 332,000 tonnes de fibres fabriquées chaque année dans les quatre sites de production du groupe dont 125 000 tonnes de viscose, le lyocell n’en est encore qu’à ses balbutiements.
Mais la niche est prometteuse, d’autant que les normes environnementales de plus en plus drastiques risquent, selon les spécialistes, de mettre en péril la production de viscose ou de l’acétate.
D’autre part, ces nouvelles fibres “naturelles” apparaissent comme une alternative hautement compétitive aux produits de la pétrochimie dérivés d’hydrocarbures fossiles tels que les fibres synthétiques qui subissent la hausse des prix et la raréfaction du pétrole. Autre facteur à prendre à compte : la production de coton devrait se stabiliser autour de son volume actuel (20 millions de tonnes) . Les surfaces de culture ne progressent plus et l’augmentation des rendements semble atteindre ses limites. Il paraît alors évident que dans le textile, comme dans d’autres secteurs, il faudra fera appel à d’autres sources de carbone, telles que le bois.
De plus, le bois a d’autres avantages. La cellulose de bois confère aux textiles de nombreuses qualités. Les textiles lyocell sont indéfroissables et imperméables. La capacité d’absorption des teintes est grande, ce qui permet des couleurs éclatantes avec des coûts de fabrication plus faibles.
Les textiles à base de lyocell sont plus absorbants que le coton ou la soie, un peu moins que la laine, le lin ou la viscose. Ils ne se chiffonnent pas comme la viscose, le coton ou le lin et se défroissent facilement dans une chaleur humide. Ils ne rétrécissent pas et sont stables comme la soie. Ils respirent et sont absorbants. Autre qualité, cette fibre est fibrillable ( les fibres se séparent en fibrilles) ce qui permet d’obtenir un toucher particulier “peau de pèche” particulièrement prisé par les fabricants de lingerie.
Les non-tissés : le bois au quotidien
Dans notre vie quotidienne, les textiles de bois sont partout. De la couche culotte aux sachets de thé, la cellulose de bois trouve d’innombrables applications dans les non-tissés, même si la compétition avec les fibres synthétiques est sévère.
Couches pour enfants, tissus d’essuyage, lingettes imprégnées mais aussi sachets de thé ou encore les blouses et vêtements hospitaliers, sont souvent constitués de fibres en cellulose de bois. Ils constituent ce que l’on appelle les nontissés .
Un secteur à mi chemin entre le textile et le papier. À l’origine, les nontissés étaient d’ailleurs produits par les industries papetières, ils forment aujourd’hui un secteur industriel à part.
Une grande variété d’espèces de bois peut être employée pour leur fabrication mais on préfère pour les nontissés des copeaux de bois tendres .
Lors de la transformation en pulpe, des produits chimiques sont utilisés pour transformer la lignine partie adhésive en éléments solubles. La fibre est ensuite lavée et blanchie pour obtenir une fibre blanche et pure. Le rendement matière est de 45% par rapport à la quantité de bois de départ).
La fibre issue de ces traitements est différente selon les essences de bois, elles donnent toutes des fibres relativement courtes allant de 1 à 4 mm de longueur, les plus longues (3 à 4 mm) sont issues de bois tendres, alors que les bois durs donnent des fibres plus courtes (0,8 à 1,3 mm.).
Contrairement aux textiles, les nontissés sont constitués en “nappes” selon différentes méthodes . La voie papetière, dite aussi voie humide, utilise les mêmes technologies que le papier en moins rapide avec une présence de fibres plus forte. La voie sèche issue de l’industrie textile emploie des cadres et des procédés aérodynamiques pour donner des nappes. Il existe aussi la voie fondue qui fait appel aux techniques d’extrusion.
Le lyocell offre aux nontissés une grande résistance à l’humidité, une excellente absorption, et peut être associé à d’autres fibres synthétiques, ou du latex pour de multiples applications
Si cette nouvelle fibre est réellement compétitive par rapport au coton ou à la viscose, la confrontation avec les synthétiques est aujourd’hui encore pour des raisons économiques essentiellement, à l’avantage de ces derniers. Mais les producteurs sont confiants. Ils estiment que d’ici 50 ans la demande en fibres devrait atteindre 140 millions de tonnes si l’on tient compte des prévisions démographiques (10 milliards d’individus) et de l’accroissement global du niveau de vie. (En 1995, le marché mondial des fibres, incluant laine, coton, fibres synthétiques et artificielles pesait 43,5 millions de tonnes)
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